Quelques pistes pour la fin d’un accompagnement

Henri CARTIER BRESSON

De la même manière que l’on s’interroge comment mener un accompagnement, il est intéressant également aussi de s’interroger sur comment acter la fin d’un accompagnement. Pour comprendre comment la fin d’un accompagnement peut être mené, il suffit d’observer comment on débute un accompagnement. En général un début et une fin, c’est assez similaire. A moins de considérablement évoluer en termes d’outils entre les deux, pour terminer un accompagnement, on a généralement tendance à utiliser les mêmes outils que l’on a utilisé pour le débuter.

Bien évidemment cet article n’a pas pour but de vous donner la marche à suivre mais plutôt de vous apporter un éclairage par des questionnements sur cette partie de l’accompagnement. Par conséquent, je vais vous écrire de la place où je suis.

Comment s’amorce la fin d’un accompagnement? diverses hypothèses peuvent être au rdv s’agissant d’un travail réalisé au domicile:

  • la fin d’une mission ( l’accomplissement d’un objectif)
  • le départ de l’enfant, l’adolescent, ou l’adulte du domicile (l’entrée en institution ou service, l’entrée en formation …)
  • le déménagement de la famille/ un changement dans le système familial
  • un changement de décision de la part de la famille
  • l’usure professionnelle
  • un désaccord avec la famille
  • Cette liste est non exhaustive …

Pourquoi s’intéresser à ce moment particulier de la fin d’un accompagnement? Car selon moi l’éducateur exerçant en libéral y est davantage confronté et de façon directe. C’est pourquoi s’y préparer me semble important. Bien évidemment lorsque l’on commence un accompagnement , on ne pense pas forcément au moment où cela va s’arrêter or cela peut intervenir plus vite que l’on ne pense . Il faut pouvoir l’intégrer dans son process de travail. Sans le rendre anodin, il convient de prendre ce moment à sa juste valeur.

Envisager une rupture dans le cadre d’un désaccord ne me parait pas incohérent. Même si nous déploierons toutes sortes de techniques pour l’éviter, il est parfois inévitable. Ne nous le cachons pas, ce n’est pas une partie de plaisir mais cela peut faire partie intégrante de notre travail. C’est important de savoir acter une fin d’accompagnement en mobilisant toute nos ressources de médiation.

Cette fin s’établira au mieux des capacités du moment du professionnel. Il ne m’appartient pas de vous établir une marche à suivre. L’essentiel est de suivre votre éthique professionnelle.

Pour ma part, je ne considère pas le fait de se déclarer ne plus être disponible dans l’avenir pour accompagner quelqu’un, soit contraire à ma profession. Admettre qu’il puisse y avoir une fin, c’est même très sain. Je n’ai pas envie d’alimenter le fantasme de la disponibilité infinie de l’accompagnant. C’est de l’ordre de la vie de se séparer à un moment ou à un autre. Pourquoi ne le serait-ce pas aussi dans la sphère de l’accompagnement ?

Ce qui est propre à chacun de nous, ce sont les points autour de la gestion de la séparation, du au revoir, des limites posées, des raisons de partir ou des raisons de rester encore… Cela est propre à ce que nous sommes et à ce que nous avons vécus. Certains seront plus ou moins à l’aise à déployer en eux mêmes leurs droits d’être entendus, leur droit d’être en désaccord, leur droit de vouloir arrêter.

En dehors de la prise en compte de l’individualité de chaque professionnel, différents outils peuvent être posés dans le cadre de cette fin:

Tout d’abord à destination des familles:

  • une discussion
  • une lettre
  • un rendez-vous dans un lieu neutre
  • proposer l’intervention et le soutien auprès d’un cabinet libéral si besoin

Concernant l’enfant, l’adolescent ou l’adulte handicapé, l’anticipation ou pas est à estimer en fonction des capacités de compréhension et de gestion de la frustration de la personne:

  • un calendrier jusqu’au jour du départ
  • Le jour J un partage plaisir avec la personne (sortie, activité, restaurant, gâteau, glace…)
  • La délivrance d’un cadeau comme un carnet de photos souvenirs des différents moments partagés ( particulièrement adapté pour les personnes ayant un langage verbal peu développé mais pour les autres aussi!)
  • un moment vidéo peut être réalisé pour l’occasion aussi
  • câlin, chanter une chanson , réaliser quelques pas de danse pour initier le départ physique si il y a trop d’émotion

Peu importe la raison qui motive la fin d’un accompagnement, l’essentiel est de réussir à le préciser à la personne et cela est un exercice ultime mais nécessaire lorsqu’il s’agit d’exercer en indépendant. Si dans le cadre de vos outils de travail, vous réalisez de la supervision individuelle ou collective auprès d’un professionnel de l’accompagnement, parlez en lui et travaillez ce moment en amont.

Comme je le précisais au début, savoir terminer un accompagnement c’est savoir le débuter aussi. Pour vous donner des pistes de travail, interrogez-vous sur la manière dont vous débutez l’accompagnement:

  • Sur quelles valeurs fondez-vous votre manière de travailler avec la famille?
  • Est-ce nécessaire d’établir un contrat? avec une date de fin?
  • Vous faut-il des temps de bilans régulièrement?
  • Comment recueillez-vous la parole de la famille, de l’enfant, l’adolescent, l’adulte accompagnés? Ses éventuelles demandes?
  • Laissez-vous entendre dès le début le caractère passager de votre intervention?
  • Fixez-vous une date éventuelle où sera questionnée la continuité ou pas de votre action?
  • Permettez-vous d’envisager un relais avec un/e éducateur/rice si la situation le nécessite? l’annoncez-vous à la famille?
  • En cas de difficultés, avez-vous en tête les possibilités qui s’offrent à vous en terme de relais , d’orientation vers d’autres professionnels, en cas de suspension ou d’arrêt de contrat?

Ce sont des petites questions qu’il est intéressant à se poser pour envisager au plus tôt la fin d’un accompagnement et ne pas se laisser dépasser par les évènements. Les familles qui font appel à nous sont souvent en grande demande, avec des attentes multiples et avoir déjà réfléchi et être au clair avec ces questions-là, permet de se sécuriser et de pouvoir apporter un cadre d’intervention bien défini.

Enfin, ce qui reste important dans le cadre d’une fin d’accompagnement c’est la prise en compte de vos limites ainsi que de la fatigue ou de l’usure ressentie dans une situation .

Le métier d’éducateur en libéral est un métier où l’on donne beaucoup surtout lorsqu’il s’agit de travail à domicile, c’est pourquoi il faut envisager cette question de la fin de l’accompagnement , comme une question sérieuse et indispensable.

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