
Je suspends mon vol pour parler un peu d’amour. Oui, j’ai envie. Je voulais vous partager cet extrait du livre de Daniel SIBONY L’entre-deux, l’origine en passage . Daniel SIBONY, philosophe et psychanalyste nous parle d’amour en ces termes:
» Entre un homme et une femme, il y a dans l’amour , l’ajustage impossible et dérisoire, de deux batteries de fantasmes, qui tirent chacune à boulets rouges ou vides, ou qui s’énervent de ne pas tirer à conséquence.
C’est dire qu’il y a autant de folies amoureuses qu’il y a de couplages possibles entre les folies de l’un et de celles de l’autre; entre leurs torsions et rétorsions respectives ; et ces couplages sont de surcroît reproductifs. Ils prolifèrent.
Mais la force de cet entre-deux est de vouloir maintenir ensemble les incompatibles.
Bien sûr ça se séduit, ça s’appelle, ça se fuit, ça se cherche, ça essait de faire mousser la langue du plaisir et le plaisir de la langue…Mais au-delà du plaisir – dernier recours, ultime ancrage, béni comme tel même si c’est un piège d’y rester, au -delà du plaisir à deux qui s’appelle séduction – où l’on veut se plaire au moyen de l’autre- quelque chose de plus sombre, plus proche de l’être et de l’origine, les pousse l’un vers l’autre. Procréer? Non. ils peuvent le faire en passant, comme pour payer leur écot à la nature, à la transmission du vivant; et sans s’en rendre compte, mettre un enfant entre eux-deux; plus tard il secouera l’entre-deux avec la force que l’on sait.
Ce qui les lance l’un vers l’autre est une étrange opération appelée amour: elle tient parfois du rituel, de l’automatisme inconscient, de la geste somnambulique où deux êtres, deux fragments d’êtres, vont l’un vers l’autre pour renouveler, on le verra, une plongée dans l’origine, un curieux baptême dans le mirage de l’origine, sous le signe de l’amour, qui se sert de tout ce qu’il trouve – de la giclée de fantasmes bien ou mal ajustés- pour refaire à neuf cet espace originel, pour sentir les contours d’une mémoire qui naît ou qui renaît, palper un manque à être qui s’éprouve et se surmonte. L’enjeu de l’amour est de faire passer entre deux épreuves même de l’origine.
L’amour est une façon de revivre sa source d’être, de se redonner l’origine de l’état brut, l’inconscient comme tel. Curieusement, les approches de la mort s’y profilent aussi pour certains. la mort comme leçon de vie; elle donne aux simples gestes de l’être leur densité, leur plein non-sens, leur beauté ponctuelle, leur connivence avec l’amour. Ceux qui ont pu traverser une certaine mort sont mûrs pour aimer. Traverser veut dire inscrire: ceux qui ont pu inscrire la mort sont mûrs pour vivre. La mort et l’amour sont des champs de forces extrêmes, seuls capables sans doute d’avérer la vie dans sa donnée absolue, originale »