
Dr Guy AUSLOOS, lors d’une communication présentée à la réunion Genevoise des thérapeutes familiaux organisée par le G.R.I.D.E.F ( groupe de recherche d’information d’études sur la famille, Genève) en décembre 1980, expliquait le rôle selon lui, de l’institution:
« Si, selon l’approche systémique, l’institution ne peut se donner pour projet de « soigner » le patient, elle peut cependant conserver un rôle en se mettant au service de ses finalités individuelles, sans aller à l’encontre de la réalité systémique dans laquelle il vit. C’est un des mérites de Siegi HIRSCH d’avoir souligné cet aspect depuis plusieurs années dans son enseignement et sa pratique.[…]… l’institution a la possibilité de développer les potentialités de l’individu ( corps, intelligence, affects) et donc de favoriser la réalisation de ses projets. Elle peut aussi être le lieu où il peut se retirer, se reposer, prendre de la distance, se donner du temps, et dans ce cas la vieille notion d’asile reprend tout son sens. Enfin elle peut être moyen de séparer les combattants lorsque le conflit devient trop aigu. Il importe cependant que l’institution ne propose pas ce qu’elle ne peut réellement promettre, à savoir une éventuelle guérison.
Cette mise au service des finalités de l’individu ne peut cependant pas se concevoir sans évolution concomitante du système familial, comme nous l’avons montré. Et comment peut on mieux mettre la famille en situation de se modifier? En faisant appel à elle, en reconnaissant son implication, en stimulant sa responsabilité, en reconnaissant sa compétence.
C’est ce que nous avons souvent formulé en disant à peu près ceci aux familles: « ce placement a sûrement dû vous toucher et vous concerne tous. C’est pourquoi nous souhaiterions vous rencontrer, parce que nous savons que c’est vous qui comprenez le mieux la situation. Nous voudrions bénéficier de vos connaissances et de votre compétence parce que sans vous nous ne pourrons rien faire«
Redéfinir l’institution dans ce sens impose qu’elle redéfinisse également sa pratique. Il est donc necessaire que ce soit dès les premières démarches en vue de l’admission que la famille soit informée qu’elle est directement concernée par le placement.
Un autre formulation du message pourrait être: » Nous avons la possibilité d’héberger cette personne. Nous savons cependant que son comportement, aussi étrange qu’il puisse paraître, a un sens et que ce sens, il n’y a que vous, sa famille, qui puissiez nous aider à le décoder. sans votre collaboration, nous serions donc dans l’impossibilité de plus que d’assurer une bonne hôtellerie« . Devrait s’ensuivre une négociation sur la possibilité d’accepter un tel contrat: « Pouvez-vous nous assurer de votre collaboration? Sinon nous ne pouvons entrer en matière pour le placement, nous ne serions pas cohérents » […]…
Au premier abord, une telle procédure peut paraître rigide, voire rejetante. Elle nous apparaît pour tant comme le seul moyen cohérent pour établir les conditions nécessaires et suffisantes à ce que le travail avec le patient-désigné et sa famille soit ultérieurement possible. Trop souvent en effet, les familles ont encore la possibilité de placer un de leurs membres comme une valise à la consigne. Et l’institution aurait à répondre, selon la formule de Louis EMERY, directeur de Chevrens: « Nous ne sommes pas une consigne, nous n’acceptons pas les valises« . Une telle attitude permet de définir d’emblée le contexte comme thérapeutique et de revaloriser celui qui se sentait exclu.
D’autre part, situer d’emblée la famille comme collaborateur précieux, voire indispensable, permet d’éviter la traditionnelle escalade symétrique qui accompagne souvent un placement. [où] les représentants de l’institution seront perçus comme les spécialistes qui savent, eux, ce qu’il faut faire. Les conditions sont alors réunies pour que l’escalade commence. Que de fois, lors de synthèses, n’entend on pas critiquer les parents qui n’ont pas su…, la femme qui n’a pas su…, le mari qui aurait dû… et l’on ne se rend pas compte que, ce faisant, on se prépare à relever le défi en annonçant implicement que l’on saura…, que l’on pourra…, que l’on devra…. Les sentiments de toute-puissance institutionnelle sont bien souvent nourris de ces défis. »